lundi, mai 15, 2006

Cavadee Montagne avec Soobash

Il va falloir que j’arrête de dire « c’est le truc le plus incroyable que j’ai vu de toute ma vie ». Et pourtant j’ai eu l’occasion de vivre vendredi dernier une expérience unique, intense, troublante : j’ai participé à la procession tamoule du Cavadee.
Le Cavadee est considéré comme la plus spectaculaire de toutes les fêtes tamoules. Célébré en l´honneur de Muruga, fils cadet du Dieu Shiva et d´Ouma, le Cavadee est l´occasion pour les dévots de prouver leur adoration, leur affection et leur fidélité au dieu Muruga.
Soobasheene, ma collègue et amie, est tamoule. Je lui avais fait part de mes regrets d’avoir manqué le premier Cavadee qui avait eu lieu en Février, pendant notre séjour en France. Mais une deuxième célébration était programmée mi Mai, nous avions donc convenu d’y aller ensemble.
J’ai pris ma matinée de vendredi, Thib m’a déposé à Rose Hill et j’ai retrouvé Soobash à la gare de bus, direction la station Ollier et le temple de Palma à quelques minutes de marche de là. On appelle cette procession le Cavadee Montagne car le temple en question est comme accroché sur la falaise du Corps de Garde.
Nous sommes arrivées très tôt, vers 8h30, ce qui était idéal pour assister à la préparation, le moment le plus intense, celui qui me laisse vraiment le souvenir le plus marquant. Je savais en quoi consisterai la cérémonie et je m’étais préparée a être un peu troublée par la violence de certaines pratiques liées à la célébration du Cavadee. Celle qui est la plus impressionnante est évidemment l’apposition sur le corps de centaines d’aiguilles surmontée d’une petite pointe en forme de lance à l’image de celle que porte le dieu Muruga. Les hommes passent en transe sur le rythme effréné des tambours et un swami (prêtre) ou un ami les pique et leur installe aussi, pour certains, des crochet d’argent auquel seront suspendu des petits limons, des clochettes, des petits pots de lait, des fleurs, voire pour les crochets planté dans les poignées d’amour une chaîne qui tire une structure en bois ornée de fleurs (un « cavadee »). Les femmes ne se piquent pas le corps, seulement la langue avec de très longues aiguilles. C’est aussi un moyen de tenir leur voeux de silence pendant la procession, d’autres sont bâillonnées. La préparation est un moment particulier, les gens sont a la fois recueillis, concentrés et d’autres délirent, hurlent en transe, geignent des douleurs qui leur sont infligées. Je vous assure que ça secoue. J’ai encore le cri des femmes en mémoire, on aurait dit qu’on leur arrachait un membre. Ca fait froid dans le dos.
Chaque personne qui porte le cavadee (un grand hôtel en bois en l’honneur de Muruga), ou le pot de lait qui est l’offrande principale de cette procession, a les mains, les pieds et le tissus de ses vêtements, à l’origine blancs, passés dans « l’eau de couleur » rose (une poudre colorante très efficace diluée). Cela rends la procession flamboyante. J’avais seulement mon argentique ce qui ne me permet pas de vous faire partager ce que j’ai vu. Je vous laisse quand même vous faire une idée avec la photo que j’ai chopée sur le net !
Bref, la marche a commencé vers 10h puis nous les avons suivi jusque midi, pieds nus sur le bitume chaud, ouhouhouh ! En même temps je n’ai pas envisagé une seconde remettre mes sandales, bien que personne ne s’en serai offusqué. De bons samaritains sur le bord de la route, sortaient leurs tuyaux d’arrosage pour soulager nos petons endoloris. Dans le cortège, la cousine de Soobash portait un pot de lait, les femmes de sa famille étaient là, en sari rose, nous sommes restées avec elles un moment, puis l’heure avançant nous avons décidé de doubler les marcheurs pour les voir entrer dans le temple. Nous avons donc monté toutes les marches jusqu’au temple perché puis déposé des offrandes aux swamis. Ils m’ont remis une petite feuille de figuier et quelques fleurs saupoudrées de cendres sacrées destinés à être ramener dans le temple d’origine et jeté à l’eau, pour moi ce sera la plage de Flic en Flac !
En redescendant nous avons vu s’approcher les premiers pèlerins. J’aurais aimé rester plus longtemps d’autant qu’une fois que le premier dévot portant un cavadee est redescendu et commence à manger, des dizaine des personnes offrent le repas traditionnel (végétarien évidemment ) et consommé avec les doigts sur une feuille de bananier. Mais il fallait partir, j’avais rendez-vous à 14h avec les enfants pour la répétition de théâtre, la représentation est dans à peine 15 jrs, je ne pouvais pas leur faire ça !
En repartant on a remonté le défilé, Soobash m’avait prévenu, plus on avance vers la fin du cortège plus les dévots prouvent leur foi par des choses étranges et violentes. Les premiers ont quelques aiguille et porte le Cavadee, puis ceux qui ont les limons et les petits objets suspendu à la peau par des crochets, puis ceux qui marchent en plus, tout en portant une lourde structure, sur des sandales à clou (ça c’est déjà assez horrible, surtout avec les hurlements et les yeux exorbités par la transe). Enfin le suprême : les hommes qui portent le cavadee, ont une armure, tant les aiguilles plantées dans leur torse et leur dos sont rapprochées et nombreuses, et tirent par deux énormes crochets piqués dans leurs poignées d’amour un petit hôtel roulant (ou un très très gros). Là j’ai cru que j’allais tourner de l’œil. Pour la marche sur les sabres et sur le feu, j’attendrai de me remettre…
Je ne sais pas si il s’agit là d’une fidèle description, les émotions jouent encore, quoi qu’il en soi je pense que j’ai toute légitimité à considéré cette matinée comme la plus invraisemblable de toute ma vie. J’espère que les photos seront chouettes. Sinon j’ai encore un petit bout de goudron incrusté dans la plante de mes pieds pour me faire un souvenir…